Projeté en arrière, je fends la masse de clodos à vitesse grand V, mes pieds ne touchent même pas le sol. Sans comprendre comment, je finis loin de la foule, le cul par terre. Trois grandes silhouettes se dessinent dans l’épaisse brume de fumée et de pollution du terrain vague. Ils portent des costards noirs un peu usés par le temps, façon James Bond, mais après qu’il se soit battu avec quarante communistes à mains nues. Leurs chaussures noires fraichement cirées montrent quand même des traces d’usure. Après avoir échangé en privé, ils se rapprochent de moi : "Qu’est-ce que tu fous ici ?". Je me lève, dépoussière mes vêtements, laisse planer un moment de silence avant de leur lancer un petit : "Vous êtes flics ?". Les mecs ricanent comme des mafiosos siciliens, puis le plus grand des trois rétorque : "Nous sommes le contraire des flics, nous nous battons pour la liberté, nous sommes le Gentlemen Club". Je commence à me demander dans quel bourbier franc-maçonnique je suis tombé, puis un autre ajoute : "Que fais-tu si loin de ton monde parfait qui te tend les bras ?". Et puis merde, ces mecs ne sont que des allumés habillés en pingouins : je leur explique mon activité, leur raconte qu’en ville, la situation est compliquée, que l’être humain me dégoûte, avec sa technologie et son addiction au digital et aux réseaux sociaux. Les trois mecs se regardent, me regardent, et le plus grand s’exprime à nouveau : "On peut donner un sens à ta vie, mais pour ça, tu vas devoir nous suivre".